# La goutte de trop

Les consommateurs de Bourgogne Franche-Comté refusent de payer seuls la note de la dépollution de l’eau du robinet !

L’UFC-Que Choisir a publié le 18 novembre la 5° édition sa carte interactive de l’eau potable en France établie sur la base de plus de 30 millions de résultats d’analyses officielles des Agences Régionales de Santé (ARS) [1].

https://www.quechoisir.org/carte-interactive-eau-n21241/

À cette occasion, nos sept associations de l’UFC-Que Choisir de Bourgogne Franche-Comté [2] dénoncent les menaces que l’insuffisance des dispositions réglementaires font peser sur l’eau du robinet et réclament une véritable protection des ressources en eau dans leurs départements par la mise en œuvre du principe pollueur payeur et une politique de prévention efficace des ressources dans les zones de captage (nappes phréatiques, cours d’eau, etc.)

À noter que trop peu d’analyses sur les PFAS (dits polluants éternels) sont réalisées à ce jour tant sur les eaux souterraines que sur l’eau distribuée (elles deviendront obligatoires en Janvier 2026). : néanmoins, leur présence est déjà relevée dans un certain nombre de cas (https://macarte.ign.fr/carte/HzWzr5/Info-PFAS) et cette pollution, d’origine majoritairement industrielle, devra être également prise en compte très prochainement.

Constat : un niveau de conformité en recul de 10 points par rapport à la précédente étude !

En 2025, seulement 85 % des réseaux de distribution d’eau potable sont conformes à l’ensemble des critères réglementaires, soit un recul de 10 points par rapport à la précédente enquête de 2021. Cette dégradation s’explique en partie par la permanence de l’usage de pesticides chimiques dans certains territoires mais aussi par la recherche de nouveaux résidus de pesticides introduite par les ARS à partir de 2023.

Notre carte, ainsi que les bilans réalisés par l’ARS, montrent que les départements de l’Yonne et de la Nièvre, ainsi que la Côte-d’Or dans une moindre mesure, sont très impactés par la présence des résidus de pesticides nouvellement recherchés.

 

 

Les recherches de plus en plus pointues de substances problématiques dans l’eau montrent une dégradation importante de l’eau brute avec des disparités importantes selon les territoires, en fonction notamment de l’existence de cultures intensives.

À cela s’ajoute le fait qu’un pourcentage important de substances ne sont pas encore recherchées ni analysées – « On ne trouve que ce que l’on cherche » -, et que l’on ne connaît pas toutes les conséquences à terme de la plupart de ces substances ni des potentiels « effets cocktails » entre elles [3].

Il s’agit moins d’un constat de la dégradation des pratiques agricoles, que de celui de la persistance pendant très longtemps des effets de la présence de pesticides chimiques dans l’eau.

 

Pourtant, dans la très grande majorité des cas, l’eau du robinet peut continuer à être bue, compte tenu de la marge importante existant entre la limite réglementaire protectrice définie par la réglementation européenne et les valeurs d’impacts sanitaires beaucoup plus élevées.

Une eau potable, mais à quel prix ?

Une prévention très insuffisante des ressources en eau

Malgré (ou à cause de ?) une règlementation foisonnante et une multiplicité d’acteurs [4], la protection des captages, notamment prioritaires, reste très insuffisante : complexité de la gouvernance, poids des consommateurs très faible dans les instances de concertation, éclatement des responsabilités, manque fréquent de rigueur/contrôles dans l’application des outils de planification, exercice hétérogène par les préfets de leur pouvoir règlementaire…

Conséquences : 56% du territoire national seulement sont couverts par un SAGE (schéma d’aménagement et de gestion de l’eau) en 2025. Au niveau national, 10 à 15 captages abandonnés chaque année (entre 1980-2024, près de 14 300 captages ont été fermés) en raison de la dégradation de la qualité de l’eau brute ou/et des difficultés pour les collectivités d’en assurer la protection.

Ces insuffisances, conjuguées avec le changement climatique, entraînent une augmentation drastique des risques de pénuries et une concentration des polluants.

De plus, il existe peu, voire très peu, d’incitations ou mesures, techniques ou financières, d’accompagnement du changement des pratiques agricoles permettant de réduire l’usage de pesticides sans mettre en danger la pérennité des exploitations.

 

Force est de constater que les dispositions « préventives » sont très nettement insuffisantes

Pourtant la prévention fait ses preuves, comme à Lons-le Saunier (Jura) où seule l’agriculture biologique est autorisée dans la zone la plus sensible du captage. Les mesures d’accompagnement pour passer en bio, la mise en place de filières solides et les indemnisations versées aux agriculteurs conventionnels ayant limité l’usage des pesticides et des engrais de synthèse, sont largement compensées par les gains pour les collectivités en charge des investissements et les consommateurs, puisque le coût de ces mesures revient seulement à 3 centimes d’euros par m3 d’eau distribuée.

 

Conséquences  

 

Un coût astronomique de la dépollution de l’eau ….

Le choix du traitement au détriment de la prévention représente un coût 5 à 10 fois plus élevé que la mise en place de mesures préventives.  L’État[5]a estimé les coûts de la dépollution en pesticides et en nitrates à plus d’un milliard d’euros par an en France. Cette estimation intègre les coûts directs de traitements et d’analyses et une partie du coût des travaux qu’ils génèrent : perte de captages, gestion de crise, etc.

Mais au vu des nouveaux contaminants tels que les polluants éternels (PFAS) qui seront recherchés dans l’eau potable dès l’année prochaine, il est clair que ces estimations vont être rapidement dépassées car les techniques de filtration classiques atteignent leurs limites. Les nouvelles technologies sont plus efficaces, mais sont également beaucoup plus coûteuses : jusqu’à quatre fois plus chères pour des petites collectivités !

 

…  essentiellement supporté par le  consommateur final !

En effet, les conséquences du choix du traitement sur la prévention pèsent déjà sur la facture d’eau : application du principe « pollué-payeur ! »

En deux ans et demi, le prix moyen au niveau national a augmenté de 16 % (source Insee) et ces chiffres ne cessent de grimper : les chiffres généralement cités évoquent une potentielle augmentation de 30 à 45% du m3 d’eau à échéance proche.

En Bourgogne Franche Comté, la moyenne du prix de l’eau potable, taxes et redevances comprises, s’élève 2,77 € TTC/m3 (données 2024) comparé à la moyenne nationale de 2,32 € TTC/m3.

Refusant que les consommateurs continuent à être les seuls à payer le traitement des pollutions qu’ils subissent, les sept associations de l’UFC-Que Choisir de Bourgogne Franche Comté demandent : 

 

  • Que la réglementation évolue rapidement pour permettre l’instauration par les Préfets de département de mesures obligatoires de protection des captages accompagnées de dispositions financières pérennes,
  • Que les fabricants de produits phytosanitaires paient une contribution significative à l’aide à la prévention et au traitement des pollutions,
  • Que la taxe sur les pesticides agricoles soit augmentée pour aider les petites communes à faire face aux coûts croissants de la dépollution
  • Que des mesures d’accompagnement technique et financier vers une agriculture moins polluante soient mises en œuvre

Des pollutions qui ne touchent pas que l’eau du robinet !

Ce constat de la présence de pesticides et de PFAS dans les eaux brutes des captages est le même que pour les eaux minérales et de source, comme l’ont montré les affaires liées à Nestlé Waters et aux sources Alma. Sans parler des microplastiques présents dans l’eau en bouteille et de son prix : le litre d’eau embouteillé est 100 à 300 fois plus élevé que celui du robinet !.

[1] 1 Les données présentées sur cette carte traduisent la fréquence de dépassement des valeurs réglementaire pour la cinquantaine de critères officiels contrôlés dans le cadre du suivi sanitaire officiel permanent pour le compte des Agences Régionales de Santé. Le plan de contrôle officiel français ne prévoyant pas de rechercher les PFAS (polluants éternels) avant janvier 2026, les résultats de notre carte interactive ne donnent pas d’information sur la présence et les dépassements éventuels sur ces molécules.

[2] Associations locales de la Côte d’or, du Doubs-Territoire de Belfort, de la Haute Saône, de la Nièvre, de la Saône et Loire et de l‘Yonne

[3] Les risques liés à la présence de pesticides dans l’eau destinée à la consommation humaine’ -Rapport Igas-IGEDD-CGAAER – Novembre 2024

[4] Cf. Dréal  https://www.bourgogne-franche-comte.developpement-durable.gouv.fr/contexte-et-reglementation-a10322.html

[5] Bommelaer O. et Devaux J. (2011), « Coût des principales pollutions agricoles de l’eau », Études et documents, n° 52, CGDD, septembre

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